Photographie
« … Celle-là, oui, elle sent bon l’Italie, les tagliatelles au basilic, le linge qui pendouille sur le fil, les mamas et les chiards. »
C’est ma mère, la belle meuf au centre de la photo, juchée sur ses petits talons perçants en compagnie de ses trois moutards. Et puis ma grand-mère qui donne le biberon à frérot, sur sa petite chaise pliante – qui doit certainement faire des efforts pour rester debout, car la mamie a toujours été forte. C’est la mode des pois, des petits pois, des gros pois… et des robes aussi.
Ça sent bon le morceau de vie, le vélo cabossé, la poupée borgne, les engueulades, le soleil qui tape au front, l’odeur de la lessive qui se mêle à celle du laurier. Et puis je suis bien sûr que mamie avait fait des œufs à la neige, ce jour-là. Ma sœur trône sur son petit fauteuil en rotin. Elle continue encore aujourd’hui, à trôner, normal, c’est l’aînée. Et moi, la môme blondinette qui veut traverser le cadre pour atteindre l’appareil. Derrière l’objectif : mon père. Il aimait la photo et passait des heures à jouer dans les bains.
Cette photo en appelle une autre… Mais impossible de remettre la main dessus. C’était le même jour, j’étais sur un cheval de bois avec Quiquine-la-petite-chienne dormant à mes pieds. J’aimais cette photo plus que toute autre. Peut-être la retrouverais-je un jour au détour d’un carton noyé. Ainsi vont les photos de famille. Elles donnent leur version de notre vie, l’odeur de ce qui n’est plus mais qui nous construit encore. Encore et toujours la magie du Voir. Il y a quand même quelque chose de surnaturel dans tout ça, non ?